Faire de la peinture figurative c'est être cruel. C'est coucher sur la toile quelque chose qui résiste, le réel, le dompter, lui arracher un secret. La peinture c'est le "devenir image" du réel qui s'oppose par sa profusion, son énoncé indescriptible, inénarrable, son encombrement essentiel. L'ordre vient donc et le plan et le secret qui se dérobait : la vision. Tout peintre figuratif est un visionnaire, l'abstraction est seconde mais naît de ces visions, c'est une vision qu'on pourrait croire sans socle réel. C'est faux, c'est toujours au réel que les formes sont arrachées, volées, comme le feu par Prométhée. Seuls voient ceux qui ordonnent à leurs yeux de voir, qui appliquent des règles, mêmes celles du chaos. L'idiotie de l'Art conceptuel vient du fait qu'en faisant appel à l'intelligence pour agencer notre vision, il a été cru par certains qu'il valait bien mieux agencer des idées que des formes. C'est une aberration. L'Art est intelligence, il ne fait pas appelle à elle, il est chiffrement et déchiffrement, il n'a nul besoin de code, il les contient, il les excède. Car il ne faut pas oublier qu'au bout de la formule se trouve la Magie. Depuis le paléolithique l'Art est, par essence, magique. Il ne faut pas y croire pour le voir, il suffit de se rendre disponible et viendront les apparitions.
En voici deux d'un peintre peu connu car mort trop jeune, en 1870, Frédéric Bazille. C'est sauvage. Il ne prend pas de gants et pourtant c'est délicat. Paradoxe d'un peintre qui fait rendre quelque chose au réel qui se refuse parce que justement, il est une chose, et que les hommes y voient autre chose, qui les concerne, eux et les Dieux.
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