jeudi 19 mars 2015

Actualité de La Tristesse.

"...toute création véritable implique une certaine surdité à l'appel d'autres valeurs pouvant aller jusqu'à leur refus et même leur négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l'autre, s'identifier à lui, et se maintenir différent. Pleinement réussie, la communication intégrale avec l'autre condamne, à plus ou moins brève échéance, l'originalité de sa et de ma création. "
C'est signé Claude Lévi-Strauss.
Ça explique pourquoi toute société pluri-culturelle se solde par un échec et DOIT se solder par un échec pour la préservation des différentes cultures présentes dans la même société. Le résultat final de cette petite mais capitale notation est la guerre civile à l'intérieur d'une même société entre les cultures et, au niveau mondial, des guerres entre les cultures sur des territoires d’achoppement du concept du "vivre ensemble partout pareil" que promeut le libéralisme économique et la bonne conscience droit de l'Hommiste. Je ne suis pas contre les Droits de l'Homme, création raisonnable à-minima,  MAIS, alliés à la puissance de feu de l'armée Américaine et au marketing trans-national, ils sont au moins aussi destructeurs que n'importe quel obscurantisme puisqu'ils sous-entendent actuellement la tout-puissance du Marché qui est une négation pure et simple des puissances spirituelles qui sont en jeu chez l'homme et dont le retour se fait dans le fracas des armes et un fatras de vieilles croyances recyclées pour le pire.
De toute ma vie, je n'ai connu qu'un seul fils d'immigré que son appartenance natale à un groupe culturel autre que français ne taraudait pas de problèmes identitaires. Il s'appelait Karim et ses parents, de fins lettrés, l'avaient élevé complètement comme on élève un fils de bourgeois français. Il était bisexuel, fan de Gainsbourg, gros fumeur et buveur mais n'avait certainement pas de problème d'identité culturelle. Il décourageait les meilleures volontés racistes de ma ville de naissance car son apprentissage et son vécu de la culture française ne laissaient pas de doute sur son appartenance. Au passage, il avait perdu une culture, ou plutôt, échanger une culture pour une autre. C'est le prix à payer.
Et j'admire le choix avisé de ses parents, qui, en lui donnant la culture de son pays d'accueil lui ont permis de s'adapter au mieux à son environnement. Il ne me viendrait pas à l'idée de faire autrement si j'avais des enfants à l'étranger, sauf à me comporter au fond comme un colon ou un déraciné, et j'ai connu de ces voyageurs tristes qui jouissent de prérogatives données par leur naissance sans en assumer les conséquences, dans un  calcul jouisseur de cynique froid.
Mais enfin, ils ne sont pas plus cyniques que ceux qui ont permis ces rapprochements inter-culturels sur un même territoire au nom de logiques de profits économiques désormais irréversibles et globalement admises par tous les acteurs d'un drame qui se joue sur la scène, à ciel ouvert et qui éclate au grand-jour quand bondissent des coeurs qui ne demandent qu'à s'enflammer et quand eux, les jouisseurs, deviennent toujours plus anonymes et plus goinfres de chair humaine. Les logiques de rendement délétères donnent naissance à des bouillonnements spirituels meurtriers. Qu'y a-t-il là d'étonnant ? Il suffisait de lire Lévi-Strauss, Malraux, Baudrillard, Debord, Muray et quelques autres pour ne pas être surpris par les jeunes morts de Clichy-sous-bois ou les attentats de Charlie-Hebdo. La tristesse et la peine, elles, sont suffisamment sidérantes pour excéder la surprise et nous laisser désemparés. De plus en plus.



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