mardi 23 décembre 2014

On n'y voyait pas grand-chose, Modiano lève un voile.

Parler Littérature est chose difficile, surtout pour les écrivains. La plupart s'en tient à l'anecdote, au nombrilisme, aux citations. Il leur est pénible de se pencher sur leur Art et d'en dévoiler quelques arcanes sans se couper l'herbe sous le pied ou sombrer dans une immodestie toute mignonnette. C'est déjà plus aisé pour les critiques qui sont là pour ça et possèdent tous les codes et les grilles d'analyses possibles et imaginables, qui ne leurs sont pourtant, la plupart du temps, d'aucune utilité pour dire quelque chose de sensé sur un livre ou un écrivain. Leur seul recours sera d'écrire à leur tour, de mettre un bout de soi dans la critique pour éclaircir un peu d'eux-mêmes et en même temps un peu de ce dont ils doivent rendre compte. C'est le seul moyen. Et quand on lit le travail d'un bon critique, on lit de la Littérature.
Bref, récemment, Patrick Modiano s'est livré à l'exercice périlleux du discours de réception du Prix Nobel de Littérature qu'il venait de recevoir. C'est dire qu'il allait falloir parler d'or et soigneusement peser ses mots au poids de la postérité. Et bien, il a fait un très beau et très touchant discours. C'est émouvant de le voir faire un speech aussi limpide, humble, presque chaste sur son métier et ses œuvres, lui dont on connaît la diction stroboscopique, quasi hallucinante. Il dit tout ce qu'il peut dire de lui et de l'écriture sans sombrer dans l'impudeur, et il le dit bien, avec clarté et précision. On est loin du de la déclamation du Sysiphe-stagiaire Albert Camus, qui reste une référence indépassable en matière d'emphase (et de conduite périlleuse au volant).
Je vous incite à lire les livres de Modiano, c'est un grand écrivain. Voici son discours de remerciement pour le Nobel de Littérature. Ça commence 2 minutes 48 secondes après le début de la vidéo.

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