mardi 15 juillet 2014

Paul McCartney : Les premiers jours, dernières nouvelles.

Ca tombe sec ces jours-ci et on ne sait plus qui honorer ? Charlie Haden pour avoir "libéré", c'est à dire ré-inventé, toute une partie de sa musique, le Jazz ? Pour son talent protéiforme et infini, pour ses parties de contrebasse de haute-voltige ou plus simplement son élégance (et il n'est jamais simple d'être élégant) ? Tommy Ramone pour avoir amené la connerie au rang d'un Art frustre et brut mais efficace, aussi bien musicalement que politiquement ? Pour avoir, à sa sauce et à celle de ses faux-frères, refait prendre la mayonnaise Dadaïste et l'avoir mise en tube teen-ager impeccable emballé par un certain Phil Spector ? Lorin Maazel pour avoir dirigé tout le répertoire classique et moderne partout dans le monde ? Pour avoir fait souffler sur Chicago le blizzard chaud de sa phalange dans la frigorifiée Windy-city ? Il y en a d'autres qui sont passés à l'as récemment, je les oublie sans les oublier (Boby Womack revient à l'instant me frapper l'esprit d'un peu de Soul et de Funk) mais je constate que je n'ai pleuré, au sens physique, sur la mort d'aucun d'entre eux.
Alors, je vais vous parler du dernier artiste qui m'ait fait pleurer, Sir Paul Mc Cartney. Et d'abord, je voulais signaler que j'ai dit une connerie à propos du dernier album de Macca. J'ai dit qu'on attendait de lui des classiques instantanés ou rien, que les chansons moyennes, c'était pas la peine de les écouter. Si, c'est la peine. Il y a en plein la carrière de Mac Cartney de "Silly love songs" à "Wonderful Christmas time" et elles réjouissent toute âme un peu sensible, un peu charitable, un rien aimante, et le dernier album en est plein et ça vaut le coup, largement. Et puis, pour vraiment vous dire que j'ai déconné, il y a en un, de ces airs classiques pop millimétrés par un orfèvre en émotion pure sur le dernier album. C'est un bijou de nostalgie assumée, complète, complexe. Il y parle de ses "Early days", c'est "Premiers Jours" à lui et John Lennon, son frère de musique, son double. Au soir de sa vie, ils lui reviennent de manière plus forte à la gorge, aux coins des yeux, ces souvenirs inoubliables dont nous avons été les témoins indirects et béats d'admiration. Il mets bien les points sur les "i", histoire qu'on comprenne bien ce qu'il veut dire : "ces "Early Days n'appartiennent qu'à moi et à John, personne n'y a accés. Je vais mourir avec ça en moi et c'est une richesse unique". Mettons nous à sa place deux secondes, nous aussi on a eu des "Premiers jours" terribles avec des potes dont on pensait qu'ils allaient le rester toute la vie, avec des frères et sœurs adorés ou des doubles dégotés dans la rue, en un regard. Pas vous ? Moi, j'ai eu ça et ça me vivifie encore et toujours, comme ce premier amour qui m'a allumé pour que je me consume en beauté jusqu'à la Mort. Oui, je comprends Macca et je l'aime et il me fait pleurer, et j'aime sa chanson pour ces deux raisons : elle me ramène à ma juste position d'auditeur et pas de fan transi. Les Beatles c'est eux quatre, pas moi et si d'aventure j'écris un jour quelque chose de conséquent sur les Beatles, ça sera mon histoire à moi avec eux dedans, mais pas la leur. Je suis très touché d'entendre ça dans la voix superbe de falsetto chevrotant de Paul. Et puis, seconde raison, elle me fait me remémorer mes "jours premiers", mes jours d'exception à moi qui ont façonnés toute ma vie par leur force brute et la parcourent encore en sous-main tant que je serais debout sur cette terre, à pleurer peut-être. Vous vous rappeler de"When I'm 64" sur "Sergent Pepper" ? Et bien à plus de 70 ans Macca s'est répondu à lui-même : "I live through these early days"....
Je vais vous dire une bonne chose : tant que c'est les vivants qui vous font pleurer, c'est que ça va encore pas trop mal. A vos larmes.

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