vendredi 31 janvier 2014

Cavanna, une écriture de maçon, ou "Merde, qui est-ce qui a encore mis des cannellonis dans le cassoulet ?"

Il faut se méfier des écrivains qu'apprécie Bernard Pivot et qu'il invita souvent dans ses émissions, ils sont épouvantables. On peut citer Grainville, Vincenot, d'Ormesson, Soljenitsine et ...Cavanna. Pourtant, j'ai rarement lu des textes plus drôles que ceux qu'il écrivait dans Charlie-Hebo et Hara-Kiri. On en trouve quelques-uns rassemblés dans la collection de poche 10/18, d'autres dans des volumes tels que "La grande Encyclopédie bête et méchante". Je me souviens d'un de ses aphorismes qui m'avait fait hurler de rire" Quand les poules auront des dents, les renards auront des tenailles". Eh, eh, implacable, ça... Intelligent, finement déduit, tout à l'inverse du slogan délirant du canard "Bête et méchant". Je me souviens de ses articles sur l'invention de l'Art par le débile de la tribu préhistorique et de sa biographie de Léonard de Vinci qui, peu après le début, dit cela : " Les plus sceptiques durent convenir qu'ils n'avaient pas à faire à n'importe qui lorsqu'on le vit sortir du ventre de sa mère dans un léger esquif de sa fabrication mû par une petite machine à vapeur agissant sur deux roues à aubes et sur un sifflet accordé en La majeur qui salua joyeusement la jeune accouchée, la sage-femme et le noyeur d'enfants assermenté..." et enfin d'une Vie de Staline dont le sous-titre est "Mauvaise tête mais bon cœur". Dans ces années-là seuls Desproges et Dac eurent une telle qualité d'écriture humoristique. Et puis Cavanna s'est piqué d'écrire des livres de littérature et là, ça a été une autre paire de manche (de tenailles bien sûr). Cavanna, quand il Écrit, ça se voit, ça s'entend, c'est marqué en gros dessus "Attention travail d'écriture". C'est comme sur les chantiers qu'il fréquenta jadis, il y a un panneau qui disait "Attention travaux". Ce ne serait pas si grave si le style était effectivement mirobolant, monumental, mais non, tous ces effets se réduise à un but précis et un plâtre assez vulgaire : faire naître une sorte de faux naturel pépère, mi-rigolard mi--amer avec lequel Cavanna fait gober la vie rude mais digne de bons prolos, bons parce que prolos, bons parce qu'appartenant au populo. Et puis il y a une sorte de connivence, de familiarité artificielle qu'il s'efforce de créer avec eux. Le problème, c'est que tous ces efforts pour faire naître cette illusion de décence foncière et de force du peuple dans l'adversité sentent très fort la sueur, le travail et même le rance. Oh, on le voit qui s'applique, le petit Cavanna, Le petit Larousse n'est pas loin, prèt à l'emploi, il mouille son doigt quand il tourne une page de son cahier où il écrit, il essuie sa plume sur le papier buvard. Oh, il tartine des pages et des pages. C'est bien tout ça, ça fait des bonnes notes en Français à l'école et..... de mauvais livres. Céline avait réussi a éliminer l'odeur de sueur en exhaussant celle de graillon. Ce n'était pas une mince affaire. Elle finit mal, la sauce colla irrémédiablement au fond de la casserole et son écriture finit par sentir un brûlé dégueulasse. Personne n'osait lui dire et personne n'osa jeter l'ustensile à la poubelle, même pas Jean Paulhan car il ne prenait pas Céline au sérieux, ce en quoi il avait tort. De même personne n'osa faire la parodie destructrice que les bouquins de Cavanna appelaient. Tout ceux qui auraient pu le faire avec talent étaient ses admirateurs et collaborateurs. En fait, le problème de Cavanna, c'est qu'il n'était pas assez désespéré, qu'il a reçu toute sa vie trop d'amour et qu'il en avait trop à donner, et ça, je ne lui en ferais jamais le reproche, parce que c'est beaucoup plus important que les bouquins. Ciao Francesco.

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