Un appel lancé, une petite exhortation à lire les poètes, les si doux, les si violents, les si fondamentaux poètes. Pour avoir le coeur chevillé à la nuit, fut-elle atroce et même midi fut-il déporté à minuit, ceux là connaissent la lumière, les ombres, les tonalités, le partage de ce qui est l'obscur et de ce qui est la clarté et le voyage à faire de l'un à l'autre, incessamment. Leurs mots sont des chalands, leurs vers des mélopées qui accompagnent nos efforts et nos déroutes et les transportent avec nous à l'autre bout de la Terre, qu'ils font venir à nous, docile et insaissable, sauf à l'écouter dans leurs voix, tout le long, du Levant au Couchant, lors d'un eveil bref et salutaire aux signes. Ce sont les uniques défricheurs de ces signes qui marquent notre espace, notre temps et nos fondations. Témoins des mises en Histoires, des Temps d'avant même, des Temps sans poètes et puis de la marche, de l'indicible souffrance et du bonheur sans égal, des tumulus des rois morts aux points impairs de la bête à bon Dieu, de tous les tempéraments plus quelques clefs pour les comprendre. Chanteur insasiable d'un écho humain donné au pied de l'Olympe qui fait trébucher les âmes et leurs juges toujours trop prompts à ne pas entendre les singuliers qui se disent ou se taisent mais sont là, nous. Ecoutez ces chant languides ou fulgurants qui disent nos noirceurs et nos éclairs et les étayent en une maison commune où le mystère nécessaire, juste entraperçu, comme par un geste contre (somme toute une défense) ou un sourire est à l'abri de toute tentative de captation fallacieuse et d'autarcie. Un poète jamais ne donne de conseil, je n'en suis donc pas un pour donner celui de les lire. Ce ne sont pas les mauvais poètes qui manquent, c'est lire les bons qui est important. Lire Léon-Paul Fargue, gardien de notre nuit de par sa veille salutaire et des hauts feux de la ville de Paris dans les cafés qui la défient. Fargue, toujours conscient de la nuit, toujours la fouillant pour y trouver ce que l'aube n'apporte jamais et en ramenant des trésors d'esprit clairsemés de brumes et des peines de coeur coupantes comme un rasoir à main. Le travelo qui tangue, est la marque la plus sûre d'un chant transcendé et humain qui est aussi celui du veilleur de nuit qui quitte son poste à l'hotel pour répondre à une quémande, du fort-des-halles qui porte une carcasse ou du gamin qui rêve et, Ô malheur, entend sa mère l'appeler pour le petit-déjeuner. Immense poète lyrique et terre à terre, ras de bitume, plutôt, Fargue fut un poète "considérable", comme ils disait de ceux qu'il aimait et un chroniqueur exceptionnel du tout venant lu au prisme des plus rares Humanités. Il est là, on l'écoute. Parfois, le ton est assez pompeux dans la diction, c'est faire une erreur, lui qui avait peut-être la verve de Rabelais, en tout cas, son appétit (qui a dit que Rabelais mangeait beaucoup ?) et son regard net. Alors, le poète raconte et dit une singulière génèse.
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