A peine ai-je regardé la bande-annonce du Starwars VII que j'ai eu les larmes aux yeux. Suis-je un idiot ? Pas plus que d'autres... Le film est la suite de cette saga dont j'ai vu le premier volet en 1977, j'avais 13 ans. On savait déjà, à l'époque, que cet épisode et les deux qui le suivirent étaient une trilogie centrale qui était précédée d'une autre et suivie d'une troisième. Ça n'avait pas grande importance, il n'était pas question en ces temps-là de les voir un jour sur écran, c'était une convention épique qui donnait du relief à l'ensemble. Plus tard, grâce aux avancées de la technologie, George Lucas a pu donner vie aux trois premiers épisodes de la série et ce fut une sorte de purge gigantesque ou la colère montante d'Annakin Skywalker n'avait d'égale que ma frustration a voir ce que je savais déjà, bégayé par le créateur de Starwars lui-même. C'était rageant et assez honteux. Et le temps, lui, filait, avec ou sans cinéma, bientôt sans, définitivement, et ma vie suivait son cours vers le grand-âge et la mort. Je ne suis pas si vieux, certes, mais c'est déjà le début de la fin et pas mal de choses me sont désormais interdites. En plus de cela, je n'ai pas bien vieilli, je suis devenu laid et gras, la vie m'a amené à atterrir dans une bourgade peu accueillante où seul le chant des oiseaux me console de ma grande solitude ("Haute solitude" aurait dit Léon-Paul Fargue), où j'ai pour toute compagnie quelques livres et un ordinateur branché sur Internet et son cortège de richesses pauvres et d'ignominies virtuelles/réelles. Je suis ensuqué dans un presque rien rébarbatif, une quasi déchéance que je dis n'avoir pas choisi mais que je m'inflige tout de même comme une punition morale à je ne sais quel péché originel. Et voilà que, du fond du temps, une voix familière vient tinter à mon oreille et me parler de ce que je croyais avoir, comme tous les mômes de l'époque, comme tout le monde finalement, La Force, cette bienveillante puissance qui aura été finalement absente de ma vie. Voilà que, par-dessus les blessures infligées et données, par delà le temps perdu à ne rien faire si ce n'est à regretter TOUT, quelqu'un (un père ?), une autre voix, chaleureuse, me dit : "Nous sommes à la maison." Quelque chose s'est refermé en moi, une boucle heureuse, proustienne bien sûr. Oui, j'étais parti, il y a longtemps, avant même de partir vraiment, où plutôt, on m'avait quitté et laissé dans l'angoisse; et "ça" revenait de là-bas, de très loin, et moi aussi je revenais. Des traces, des reliefs statufiés reprenaient vie, prenaient du sens. J'étais devenu un mécréant, un sarcastique jaunâtre, un laideron et tout ce qu'il avait fallu que je dilapide de beauté, d'amour, de joie pour en arriver là m'était redonné en deux minutes d'une bande-annonce d'un film qui avait irrigué de force et d'élan ma jeunesse et ses illusions perdues par ma faute (était-ce bien ma faute ?). Comme la madeleine pour le narrateur de la "Recherche", ce goût familier d'une fiction tant aimée a fait renaître en moi l'idée que la vie n'est pas vaine, et que, si elle finit en loque rapiécée, c'est bien plus la responsabilité du couturier que celle des tissus, et qu'au-delà même de cette responsabilité le cours inexorable du temps contient dans ses plis la matière d'une plénitude qui s'exerce pour peu que l'on se donne les moyens et la chance de la chercher. Il n'est pas d'autre sens que celui-là, de se dire qu'au soir de sa vie on est rentré chez soi, là où personne d'autre ne peut se dire cela ni en éprouver le contentement, la joie mêlée à la tristesse. A la maison.
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