lundi 16 mai 2011

JUSQU'A LA MORT

Je me souviens de Brian Wilson juste avant qu'il monte sur scène, il y a quelques années, au Royal Festival Hall à Londres, pour la première présentation au public de l'album mythique avorté de 1967, " Smile", enfin terminé quelques décades plus tard. J'ai vu ça sur le DVD de bonus qui accompagnait la sortie dans ce format du film restituant ce concert, dans les années 2000. Wilson s'était donc ré-attaqué à cet album qui aurait du être LE grand disque psychédélique de l'époque et dans la production duquel il s'était embourbé, enregistrant, ré-engistrant, faisant et défaisant un patchwork de courts morceaux qu'il n'avait jamais pu finir d'agencer ; y laissant au passage une partie de sa raison pour finalement renoncer à le publier.
Pendant la préparation du concert de Londres, et donc, la mise au propre de l'album, la pression qui pesait sur les épaules de Wilson était tellement forte qu'il a du être hospitalisé à plusieurs reprises en institution psychiatrique. Trop de souvenirs traumatiques et d'angoisses étaient liés à cette période de sa vie et à cet album. Il a fallu l'acharnement d'un alter-égo musicien jeune et dévoué dont j'ai oublié le nom pour l'amener à " finir" " Smile " et le préparer à l'interpréter en concert.
Juste avant de monter sur scène Wilson était blême, le visage tordu de panique, tendu à l'extrême, on sentait qu'il pouvait craquer à tout instant. Paul Mac Cartney est passé le voir en coulisses - les deux se connaissent de longue date - et Wilson lui a dit d'un air effaré " C'est pour toi que je joue !". Mac Cartney est pourtant un type à la coule et calme, mais je l'ai vu très surpris à ce moment précis. Il ne savait pas trop quoi dire parce qu'en un sens c'était VRAI et que ça a du remuer des choses qui, même pour lui, ne sont pas très au clair.
Wilson s'est toujours senti en compétition avec les autres artistes, d'abord avec Phil Spector, puis les Beatles et il voulait les battre, les aplatir avec "Smile", pendant qu'eux travaillait sur "Sergent Pepper". Il n'arrivait pas à mettre au point l'album, son état mental inquiétait tout le monde. Le Beach Boy le moins sympathique, Mike Love, l'avait sérieusement mis en garde : "Ne merde pas avec LA FORMULE, Brian". Il ne savait plus à quel saint se vouer, sa " Symphonie adolescente à Dieu", comme il l'appelait, n'était-elle pas un brin satanique ou maudite ? J'ai souvent pensé que le problème de Wilson tenait au fait qu'il n'était pas prêtre, c'est à dire dédié au Divin par un véritable sacrement. Au lieu de cela il avait été sacré " pape" d'un mode de vie hédoniste et païen : le soleil, les filles, le surf, la musique. Un rêve dont il a senti rapidement qu'il pouvait être un cauchemar. Mais on ne s'élève pas seul à des hauteurs célestes, il faut un marche-pied, un apprentissage, la grâce, son travail et des conseils pour le supporter. Wilson était seul en 1967, complètement isolé avec une tâche immense à accomplir et, finalement, il ne pu la mener a bien. La légende veut qu'il se soit totalement écroulé quand Mac Cartney lui a joué une version voix-piano de "She's Leaving Home", qui devait paraître sur l'album à venir des Beatles. Il n'a plus pu lutter, il a envoyé valdinguer " Smile" et s'est réfugié dans une claustration quasi totale.
Ce moment ou Wilson dit cette phrase à Mac Cartney m'a beaucoup touché et ému. C'était une marque de détresse, une façon de vaincre cette détresse mais aussi une VERITE tellement évidente que même l'ex-Beatles en fut secoué. Ce souvenir m'a marqué car j'éprouve un immense respect pour les deux artistes et même une sorte d'affection pour eux. J'aime ces types-là et leur musique. Ce sont deux frères lointains mais jamais absents qui me parlent et m'enchantent.
Le concert s'est bien passé, ce fut même un triomphe et Wilson est ensuite parti à travers le monde jouer son album englouti et resurgi des eaux. Je me souviens de Brian Wilson.
ENJOY !!!!!!!

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