mardi 22 novembre 2016

Mort de Leonard Cohen, deuxième.

Je ne sais pratiquement rien de Leonard Cohen... enfin, un peu quand même...Je vais vous dire...Je sais qu'il était orphique, à la coule jusqu'à charmer les pierres, "Allright" dirait Mick Jagger. C'est quoi mon parcours avec Leonard Cohen ? D'abord, c'est mal parti. Je l'ai vu en concert en 1985-86 dans un festival au fin fond de la Bretagne où j'étais allé pour voir les Ramones. En plein après-midi, sous un soleil de plomb ses "chansonettes" ont gavé mon âme de jeune ignorant bouché qui n'aimait rien tant que le volume sonore puissant et la rage. Les Ramones furent annulés, pour moi, le clou (et la bonne surprise) de la journée, ce fut Depeche Mode...Je ne sais pas si Cohen était bon ou pas, rien vu de lui ce jour-là.
Un peu plus tard, en 1987-88, il sort un album plutôt électronique et j'ai saisi la beauté de l'effort, sa réussite. J'ai écouté les paroles de l'hymne "First, we take Manhattan" "I don't like what you did to my sister....then we take Berlin...." S'il y avait bien une ville à delivrer c'était Berlin. Pas des cocos, pas seulement, de tout, du poids de l'Histoire et recommencer tout de A à Z, là-bas. Ca me paraissait une bonne idée. J'étais raccord avec Leonard, je le suis resté. A l'époque il produisait aussi des albums pour sa choriste fétiche, Jennifer Warnes, qui étaient bons aussi. De temps en temps, il donnait des nouvelles de lui et du monde. Orphique tant et plus, il nous le révélait comme un phare, une balise, jamais avare en questions, en prières, en réponses esquissées et lancées vers nous comme des...pierres, lourdes mais pouvant servir à paver une route. Il y a eu l'album tribute "I'm your fan" et quand j'ai vu le casting des musiciens qui rendaient hommage à Cohen, j'ai compris définitivement l'influence énorme qu'il avait sur la musique contemporaine. Des étés malades durant j'ai écouté "Lover, lover, lover" chanté par Ian McCulloch. Jeff Buckley à enfoncé le clou avec sa reprise mirifique de "Halleluja". Buckley (le fils) m'ennuie en général, pas là. La chanson est tellement bonne, je découvre l'originale, elle est pratiquement aussi merveilleuse. Les grandes oeuvres, c'est comme ça, ça encaisse presque tout. Pendant ces années, Cohen se planque dans un monastère Bouddhiste en Californie tenu par un japonais et un allemand. Un cauchemar étonnant dans lequel il persiste, lui que je croyais lié definitivement à la Méditérannée. Mais y a-t-il si loin de l'île d'Hydra au mont Athos ?
Et puis il y a eu le retour, sur disque et sur scène. La voix plus grave qu'un secret de jeunesse éternelle, le chapeau cachant le cheveu ras et blanc, la douceur et la force du voyageur. Le voilà incarné en ce qu'il a toujours été : le juif errant, détenteur de toutes les histoires, gardien secret d'incantations, créateur de remèdes antédiluviens. Cohen m'enchante définitivement, encore et encore, il allait mourir. Il chantait à Londres, à Dublin. Les albums se succédaient, il berçait mes nuits réveillées chez Georges Lang, tout roulait. Le dernier opus est arrivé un peu rapidement; Bowie nous avait fait le coup, ça n'a pas loupé, une dernière prière - qu'il va falloir décrypter de près - et il est parti.
Voilà ce que j'ai vécu avec Cohen. C'est peu, je l'ai dit mais c'est assez intense. Je ressort moins con de sa fréquentation et empli de beauté, c'est pas mal. Il me reste un peu de temps pour me pencher sur son corpus littéraire (romans, poèmes) et ses disques maintenant que mes a-prioris de jeune dingo ne sont plus.
Je suis un vieux fou alors, je vais bien écouter, bien lire et profiter, et me souvenir. (Pendant que j'écris ces mots, il passe à la radio, sa voix est si belle).



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