Ainsi vous voilà triste et abattu. Vous regardez plein d'envie et de défiance des jeunes hommes et des jeunes femmes. Vos jeux sont plus retors que les leurs et sont désormais sans grâce, et si vous vous comparez à eux vous frémissez d'horreur dans un éclair de mort et de pourriture. Plus rien, presque plus et c'est ce presque qui fait encore frémir vos chairs amollies et votre coeur haineux. Où sont passés vos compagnons : l'Amour, la Beauté, l'Espérance ? Plus rien, presque plus et ce n'est que ça, que votre navrante haine, que justice et normalité banales, très banale prise de poids et d'âge. Avez-vous fait quelque chose qui en vaille la peine ou vous êtes-vous tué à la tâche sans gloire et sans renommée ? Il n'y a plus pour vous que deux ou trois tours de vice, les chemins plus altiers occupés dés lors par des gardiens plus forts et plus sûrs. Votre âme recuite est mal passée quand vous l'avez voulu par volupté mauvaise avaler. Toussez donc un peu de croyance égarée. Il semble que tout vaille un égal et minuscule crachat, suintant de votre gorge nulle comme une brume et que cela vous convienne à ravir, mais vous soufflez sans air et n'en êtes pas certain. Une dernière fois, fermez les yeux pour voir clairement le soleil tomber et mourir. Etincellant, il ne recelle plus pour vous le secret de la renaissance. Le jour est morne et infini, il est habité de l'immense mélancolie charriée en vos tripes par une bile noire. Ne bougez plus, vous servirez de borne, au mieux, sur ce chemin là, si quelqu'un s'y perd comme vous. Et morose, faites un mauvais accueil aux mystères de la Mort.
"J''ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans...."
- Je suis un cimetère abhorré de la lune....
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées...
Ch. Baudelaire
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