Bien souvent, sur une photo, on ne voit rien. Le "visuel", avec ses formes, ses couleurs, sa composition, emporte toute la tête et la faculté de voir. La vue est une chose délicate, qu'on devrait protéger par de la pénombre, des persiennes tout le temps, des lumières indirectes. Et bien sûr, pas d'ECRAN. Mais l'homme est un voyeur et il aime sa propre sidération comme il aime sa propre damnation. Il aime ce qui est fort, trop fort pour lui, et il aime en mourir, il trouve ça glorieux.
Aucune chance de mourir devant les photos précieuses de Miho Kajioka que l'on peut voir à l'expo annuelle de photographies de La Gacilly (35) qui s'y déroule chaque été, mais toutes celles de se régénérer les yeux. Miho Kajioka nous met sous le nez de délicates effluves de temps, évanescentes, quasi invisibles et que l'on voit cependant très bien dans leurs présences diaphanes, dans leurs actualités lointaines et atemporelles. C'est qu'elle a fait du photo-journalisme. Le choc des photos, elle connait, la saturation, l'esbrouffe. Après Fukujima, elle s'est intéressée à l'ineffable, à ce qui fait à peine effet sur la sensibilité de la pellicule. Un travail méticuleux de mémoire, qui si elle veut rester vive, ne doit pas s'épuiser dans la retape. Ici, tout est délicatesse technique qui amène à ressentir l'équivalent d'un souffle tiède par un soir d'été près de la mer, instant béni qui fait venir les larmes, on ne sait pourquoi, et l'apaisement, un rien inquiet. Ce sont dejà des vieilles photos. Non, qu'elles ne disent plus rien à personne, au contraire, elles ont la patine de l'ancien qui revient "neuf", relavé à la source. C'est un rude labeur que celui de Miho Kajioka, et bien singulier, qui lave le regard et dit notre vie et notre mort
Quelques clichés de Miho Kajioka :
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