mardi 19 juillet 2016

Alan Vega sort de son orbite et s'éloigne.

Ce blog ne s'étoffe que quand quelqu'un meurt. C'est triste. En même temps, il n'y a plus que ça à faire : le décompte morbide de ceux qui étaient et restent des créateurs quand tout le monde fait dans la ré-création; de ceux qui étaient dans le bain de l'Histoire quand nous sommes sous la douche froide du Fun. Bah, c'est comme ça, c'est la post-Modernité. C'est pas que c'était mieux avant, c'était différent. Avant quoi ? Ben, avant 1991, c'te bonne blague. Oh, avant 1991 il n'y avait pas vraiment d'avant et d'après, on remontait d'un trait jusqu'à la création première, c'était bien ou mauvais mais dire c'était mieux avant, c'était de la pure et simple ronchonnade. Depuis 1991, il y a un avant et un après, la Modernité c'est fini, comme l'Histoire, nous sommes dans l'après. D'où l'engouement très fort, pour les années 80, dernières années de création qui laissait entrevoir autre chose, encore et encore, derrière le mur. Le mur est tombé, nous somme dans l'après. Des murs sont construits partout, tous les jours et ça ne gène personne. Ce qui importe, ce qui libère, c'est de gérer. (C'est là qu'est toute l'horreur de l'après) Si l'Economie conseille de se restreindre et de gérer, c'est qu'il n'y a plus de place pour des créations dignes de l'homme, c'est à dire dignes de Dieu, il n'y a que du rebut et des miettes. Nous y sommes, c'est après et ça implique une autre esthétique, distancié, kitsch et pas à hauteur d'homme. Avant, c'était à hauteur d'homme, ce qui sous-entendait qu'on pouvait savoir un peu quel taille il avait et qu'on pouvait le prendre d'un peu haut, pour lui souffler des trucs à l'oreille en la lui tirant un peu vers le même haut. Maintenant, c'est plus possible, on sait exactement combien vaut un homme; ils sont tous au même niveau et tous prêts à se battre comme des enragés pour y rester ou grapiller un niveau. On ira pas plus haut que Trump ou Sarkozy. Ou alors il faudrait repartir de plus bas, d'avant.

Alan Vega est mort, donc. Fort sujet, complexe, multiple que le Vega. Moi, j'avais commencé par un formidable Rockabilly New-Wave : "Juke-Box Baby", un hit en France, comme "C'est Lundi", de Jesse Garon. Simple, efficace, hanté, tout ce qu'il me fallait. Manquait plus que Robert Gordon et tout était plié en matière d'héritage fifties réchauffé années 80. SAUF QUE, à quelques temps de là, un mien ami achète le premier album de Suicide, le groupe de Vega en 1977 au magasin New Rose de Paris et nous le met en soirée. Choc. Choc immense. Tellurique, sans retour. MAIS qu'est ce que c'est que ce truc ? "Ghost rider" est un Rock dérapant sur trois minutes de bruit minimaliste saturé et paniqué. Emballant et flippant à la fois, à se jeter la tête contre les murs par plaisir (c'était une autre idée du Fun...) MAIS surtout, sur cet album à la pochette géniale et sinistre se trouve un morceau proprement terrifiant, une musique et un chant, qui, pour peu qu'on les suive vous entrainent dans les affres de l'horreur : "Frankie Teardrop". Chaque larme de Frankie est une goutte d'acide sur un cerveau en ébullition. Il a mal, on a mal avec lui. Où sont le pardon, la miséricorde ? Là, maintenant, et pour dix minutes, c'est l'ENFER, "Laissez tout espoir", chaque cri de Vega est un cri souffrant et enragé de supplicié. La question est : dans quel état vais-je récupérer mon cerveau après ça ? Ce truc peut rendre dingue en une écoute. A forte dose, il entame obligatoirement les neurones dans les grandes largeurs. Moi, j'en ai pas trop abusé. N'empêche, je ne suis plus le même maintenant qu'avant d'avoir écouté Suicide, "Frankie Teardrop" et Vega. Je crois que tous ceux qui ont écouté ses oeuvres (même plus tardives) peuvent dirent ça. Et c'est c'est ce qui en fait un artiste majeur du vingtième siècle. Je précise deux choses : dans Suicide (bon sang, quel nom de groupe !), il avait pour acolyte Martin Rev, qui faisait la musique, et Alan Vega était aussi artiste plasticien.




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