Y'a pas, un jour t'as plus la pèche et c'est fini. Par exemple, t'imprimes plus. Le truc que tu écoutais avant une fois, une seule, te rentrait dans le corps, dans le cœur, partout, tu entendais le nom une fois, il était imprimé. Connu, su, avalé digéré. Maintenant la secousse est quand même notable, tu ressens le bidule, ça transporte un peu, tu veux bien retenir le nom, tu écoutes, attentif; une nuit par la-dessus et c'est oublié. Fort heureusement il y a la réécoute sur le net et tu peux farfouiller dans les données plutôt que dans ta mémoire H.S. pour retrouver le nom. Deux jours plus tard, tu l'auras oublié encore une fois, et avec un petit effort le morceau de musique aussi, jusqu'à l'existence de la chose. Deux ans après tu entends ça chez quelqu'un qui t'avait demandé si tu connaissais "Bidule" par "Machin-chose", tu avais répondu "Non", tu dis "Mais oui, je ne connais que ça" et tu rajoutes, "Ah la la, c'est vachement bien ce truc, si, si je connais", tu t'enterres, tu creuses ta tombe, "C'est...Merde, c'est qui déjà.. ?" tu viens d'oublier ce qu'on vient de te dire et là tu vois que t'es déjà à moitié mort. Tu peux plus rebondir sauf à vouloir écouter un disque de tes quinze ans. C'est pas rigolo, tout le monde se marre, t'es fini, pépère. Next.
C'est comme la danse. La danse, c'est fini aussi, un beau jour. Juillet, août, dans la boîte pour quarantenaire; t'es déjà un peu déplacé, gros, et là il, le putain de DJ que tu hais depuis toujours, depuis que tu vas en boîte, il passe un truc que tu ADORES et qui te fait chavirer. Tu vas sur la piste rejoindre Josiane qui se trémousse, tu commences à bouger et c'est l'enfer. C'est du "slow-motion" tes pas de danse, t'es au ralenti, vieille queue, manque plus que les commentaires de Patrick Montel (ou plutôt Léon Zitrone). Même Josiane, tu t'aperçois qu'elle se traîne; avec sa robe longue fendue et ses pompes lacets argentées, elle est cuite, elle s'agite à peine et il va falloir lui bourrer le cul cette nuit histoire de faire reluire vos viandes qui menacent de s'effondrer sur elles-mêmes. Alors, là, tu t'aperçois dans la glace de la piste de danse et c'est le pactole. Tu cires le parquet avec tes pompes pauvre croulant, tu ramasses la poussière; dans une minute tu seras un gros mouton de crasse balayé par le vent pour aller fumer une clope dans le froid dehors. Tu respires la fatigue, la fausse- envie, fallacieusement entretenue, alors qu'il faudrait te laisser couler gentiment dans un bain de somnifères, de mauvais alcool (t'en as jamais bu du bon, pauv' cloche, t'aurais pas cette tronche !) et de daube en sauce bien grasse. Apéro à 18 heures et au dodo après "Questions pour un champion". Évidemment, c'est l'horreur et tu ferais tout pour échapper à ça mais, tu as beau bomber le torse, te faire couper les cheveux courts et regarder Arte, ça s'approche irrésistiblement et tu sens que tu ne pourras pas y couper. Tu n'auras pas la force de dire "Stop" avant le trop tard. Ça va mal finir, c'est mal barré, tu déclines tous les jours, et la pèche, elle est où ? Bon sang, elle est où ?
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