vendredi 17 avril 2020

Daniel, Bob et David nous parlent de l'Amour et de la Mort.

Sur B., la ville où j'habite, il pleut et le tonnerre claque au loin, doucement. C'est peut-être un "beau jour pour mourir", dirait Peau de la Vieille Hutte. Christophe est mort hier, à Brest. Dans le soleil. Son ami, même quand il est noir. Dylan sort un nouveau morceau, simple et émouvant : "Je contiens des multitudes". David Hockney attend la Mort en Normandie. De toute façon, depuis la plus haute antiquité on sait qu'il faut se préparer à la Mort. Le seul moyen de mourir en paix c'est d'avoir dispensé et reçu son quota d'Amour. Presque un même poids exact sur la balance. Aimer, puis mourir. C'est tout ce qui compte.
Tiré de l"album "Aimer ce que nous sommes": Parle lui de moi", de Christophe.
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Lettre de David Hockney.
«Chère Ruth,
Nous sommes actuellement en Normandie, où nous avons séjourné pour la première fois l’année dernière. J’ai toujours eu en tête de m’organiser pour vivre ici l’arrivée du printemps. Je suis confiné avec Jean-Pierre et Jonathan, et jusqu’ici tout va bien pour nous. .Je dessine sur mon iPad, un medium plus rapide que la peinture. J’y avais déjà eu recours voilà 10 ans, dans l’East Yorkshire, quand cette tablette était sortie. Avant cela, j’utilisais sur mon iPhone une application, Brushes, que je trouvais d’excellente qualité. Mais les prétendues améliorations apportées en 2015 la rendirent trop sophistiquée, et donc tout simplement inutilisable! Depuis, un mathématicien de Leeds, en Angleterre, en a développé une sur mesure pour moi, plus pratique et grâce à laquelle j’arrive à peindre assez rapidement. Pour un dessinateur, la rapidité est clé, même si certains dessins peuvent me prendre quatre à cinq heures de travail.
Dès notre découverte de la Normandie, nous en sommes tombés amoureux, et l’envie m’est venue de peindre et dessiner l’arrivée du printemps ici. On y trouve des poiriers, des pommiers, des cerisiers et des pruniers en fleur. Et aussi des aubépines et des prunelliers. Dans l’East Yorkshire, nous n’avions qu’aubépines et prunelliers. Nous sommes tombés sur cette maison au grand jardin - moins chère que tout ce que nous aurions pu trouver dans le Sussex - comme une rencontre attendue et espérée depuis longtemps.
J’ai immédiatement commencé à dessiner dans un carnet japonais tout ce qui entourait notre maison, puis la maison elle-même. Ces créations furent exposées à New York, en septembre 2019. Mais étant fumeur, je n’ai pas d’attirance pour New York et n’y ai jamais mis les pieds.



David Hockney, «No. 125», 19 mars 2020, dessin sur iPad.
David Hockney, «No. 125», 19 mars 2020, dessin sur iPad. © David Hockney

Nous sommes revenus en Normandie le 2 mars dernier et j’ai commencé à dessiner ces arbres décharnés sur mon iPad. J’y suis en ce moment, avec Jonathan et Jean-Pierre. Depuis que le virus a frappé, nous sommes confinés. Cela ne m’impacte que peu, mais Jean-Pierre (Gonçalves de Lima, son bras droit, NDLR) et Jonathan, dont la famille est à Harrogate, sont plus affectés.
Qu’on le veuille ou non, nous sommes là pour un bout de temps. J’ai continué à dessiner ces arbres, desquels jaillissent désormais chaque jour un peu plus bourgeons et fleurs. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Je ne cesse de partager ces dessins avec mes amis, qui en sont tous ravis, et cela me fait plaisir. Pendant ce temps, le virus, devenu fou et incontrôlable, se propage. Beaucoup me disent que ces dessins leur offrent un répit dans cette épreuve.
Pourquoi mes dessins sont-ils ressentis comme un répit dans ce tourbillon de nouvelles effrayantes? Ils témoignent du cycle de la vie qui recommence ici avec le début du printemps. Je vais m’attacher à poursuivre ce travail maintenant que j’en ai mesuré l’importance. Ma vie me va, j’ai quelque chose à faire: peindre.
Comme des idiots, nous avons perdu notre lien avec la nature alors même que nous en faisons pleinement partie. Tout cela se terminera un jour. Alors, quelles leçons saurons-nous en tirer? J’ai 83 ans, je vais mourir. On meurt parce qu’on naît. Les seules choses qui importent dans la vie, ce sont la nourriture et l’amour, dans cet ordre, et aussi notre petit chien Ruby. J’y crois sincèrement, et pour moi, la source de l’art se trouve dans l’amour. J’aime la vie.
Amitiés, David Hockney»
Ses derniers dessins sur Ipad.

Le dernier Dylan : "I contain Mutitudes" Nous sommes tous.

Les paroles :
Today, tomorrow, and yesterday, too
The flowers are dyin' like all things do
Follow me close, I’m going to Balian Bali
I'll lose my mind if you don't come with me
I fuss with my hair, and I fight blood feuds


I contain multitudes

Got a tell-tale heart, like Mr. Poe
Got skeletons in the walls of people you know
I’ll drink to the truth and the things we said
I'll drink to the man that shares your bed
I paint landscapes, and I paint nudes
I contain multitudes

Red Cadillac and a black mustache
Rings on my fingers that sparkle and flash
Tell me, what's next? What shall we do?
Half my soul, baby, belongs to you
I relic and I frolic with all the young dudes
I contain multitudes

I'm just like Anne Frank, like Indiana Jones
And them British bad boys, The Rolling Stones


I go right to the edge, I go right to the end
I go right where all things lost are made good again
I sing the songs of experience like William Blake
I have no apologies to make
Everything's flowing all at the same time
I live on the boulevard of crime
I drive fast cars, and I eat fast foods
I contain multitudes

Pink petal-pushers, red blue jeans
All the pretty maids, and all the old queens
All the old queens from all my past lives
I carry four pistols and two large knives
I'm a man of contradictions, I'm a man of many moods
I contain multitudes


You greedy old wolf, I'll show you my heart
But not all of it, only the hateful part
I’ll sell you down the river, I’ll put a price on your head
What more can I tell you? I sleep with life and death in the same bed
Get lost, madame, get up off my knee
Keep your mouth away from me
I'll keep the path open, the path in my mind
I’ll see to it that there's no love left behind
I'll play Beethoven's sonatas, and Chopin’s preludes
I contain multitudes
Maintenant, il pleut à seaux. Je vois des éclairs. Je vais fermer la fenêtre et écouter de la musique. Je pense à toi.
David Hockney, «No. 133», 22 mars 2020, dessin sur iPad.

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