Au bar de mon patelin je serre pas mal de mains. A force de se voir, on se dit bonjour, on se fréquente quoi, on se parle un peu. Il y a la poignée de main de la patronne d'abord, avec sa main petite et dodue, comme celle d'un bébé, qu'on pourrait écraser facilement d'ailleurs; il y a celle de Michel, celle de Serge, celle de Néness, celle de Nono, celle de Patrick, qui tend ses doigts mais ne les referme pas sur les votres; toute différentes, toutes significatives. Mais ma préférée c'est celle de Félix. Félix passe tous les matins sur les coups de onze heures pour faire son Quinté. Il étudie, il se remue les méninges, il compose, recompose des ordres, des arrivées plausibles, monstrueuses, ineptes et il fait de l'humour franc du collier en baratinant gentiment avec tout le monde et en distribuant des conseils pas chers -et même gratuits !- aux turfistes qui lui parlent. Mais d'abord, il vous a serré la main et c'est énorme !
Félix n'est pas grand mais il est campé bien droit du haut de ses plus de soixante et dix ans, il a le torse bombé et, bizaremment, il ne serre pas la main de face, sauf à de très rares personnes qu'il estime hautement (je n'en fais pas partie). Il se met de coté et sa main à lui, qu'il tend, est presque parallèle à son corps, elle s'arrête à un moment et il faut aller la chercher avec sa propre main, la glisser dans la sienne, qu'il laisse entrouverte et là avec sa puissance contenue et controlée, une force énorme dans sa main musclée, il exerce une pression amicale toute douce qui ne souffre aucun échappatoire. Et il sourit d'un large sourire un peu édenté. Voilà. Voilà donc comment Félix me baise à chaque fois que je le rencontre. Il a une main faite pour les femmes ce Félix, à l'exacte pression érotique qui doit les laisser chancelantes et qui me laisse ravi, car il y a là une chaleur un peu rouée (consciente, on va dire) mais non-feinte tout de même et qui m'enchante moi qui suis encore un enfant, un homme très sensible, presque une femme, parfois.
Ci-dessous, un Félix encore plus vieux que le mien !
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