Il faisait bon savoir que David Bowie travaillait quelque part dans le monde sur un projet musical qui allait se révéler au minimum intéressant, voire brillant, mais jamais anodin. Maintenant qu'il n'est plus là le monde est plus inconfortable, plus pesant. Bowie n'était pas léger, non, ce n'était pas une plume, mais quand on l'écoutait on se sentait plus libre, on soufflait, on respirait. Son travail libérait de la place pour autre chose que Coca ou Peugeot dans la tête. Pour de la Vie ("V" majuscule). Bowie était en perpétuelle évolution, en perpétuel changement mais toujours il restait intelligent, alerte, à l'écoute, vif, perclus d'angoisses, apte à en faire une matière de travail, jamais véritablement en repos, affrontant le chaos, y donnant de la voix, sa voix si particulière. Sa sensibilité était si singulière. D'où venait-elle ? Souvent il faisait référence à son enfance, à son frère schizophrène, à son besoin d'incarner quelqu'un d'autre, à ses maîtres et futurs amis en bizarrerie. Il me semble que sa musique, sa création était le point d'équilibre entre ses rudes peurs de n'être rien (ou tout) et sa soif de vivre à plein tube en tant qu'homme complet. Il était un grand et véritable artiste, et toujours, il a été de bonne compagnie, de bon conseil, il nous a fait du bien, ce qui est la marque des plus grands. Il était comme nous sauf, qu'il était un peu plus affuté, un peu plus aiguë, pointu comme une lame, tranchant comme un sabre et ce qu'il nous donnait à voir et à entendre, jouant du couteau et bataillant avec lui-même, éclairaient notre nuit, parfois d'un soleil sombre, le plus grave, le plus durable.
L'effet que sa disparition me fait, en réalité, c'est celui d'avoir perdu un ami très cher qui était infiniment plus doué que moi pour dire "des choses" communes à tous et qui était en sus aussi généreux dans sa vie et sa vision qu'un artiste doive l'être, c'est à dire faisant ce qu'il sentait devoir faire, ne devant rien à personne et étant payé très cher pour ça. Ah merde, il me manque ! J'ai toujours vécu dans un monde AVEC Bowie, il n'est plus là, et moi, où suis-je ? ("Where are we now ? where are we now ?..."
Deux chansons presque au hasard, qui me touchent. "Afraid" et "I've been waiting for you", issues du même album "Heathen".
"Afraid" Ecoutez les paroles.
"I've been waiting for you" signée Neil Young. Même ses reprises sont dorées sur tranche. Pas de hasard.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire