dimanche 28 février 2016

Mad Max : du Post-cinéma à l'ancienne comme on l'aime chez nous.

Je viens de voir "Mad Max : Fury Road" et je suis assez content. Je suis content pour George Miller qui nous livre là un film de post-cinéma en pleine possession de ses moyens et qui donne une petite leçon d'esthétique à tout les petits branleurs qui font des films sans queue ni tête avec di Caprio ou Kurt Russel en vedette. Parlons-en de l'esthétique. C'est simple, elle est parfaite. La tonalité des couleurs (bleu et jaune, presque pas de rouge, juste en contre-point), le montage cohérent à l'extrème qui fait qu'on suit parfaitement des poursuites de bagnoles assez compliquées, l'image accélérée, des trouvailles circassiennes employées en manière de cascades, des décors et des véhicules aux formes à la fois pré-historiques et extra-terrestres, des "flashs" mémoriels effrayants tout cela est juste au possible et se tient, j'allais dire, à l'ancienne. L'histoire se tient aussi et Miller ne perd pas de temps à nous expliquer une situation complexe, il fait le pari que le spectateur connait parfaitement les codes de ce genre de film, ce en quoi il a parfaitement raison, et nous y plonge à toute blinde avec quelques points forts notables, comme les guerriers blafards scandant "What a day, what a lovely day..." en pleine horreur, ou les top-models hallucinantes en robe de mariée dans le même camboui que les vieilles gouines. Et le tout se déroule sous nos yeux sans surcharge horrifique ou pathétique dans une intensité soutenue, et somme toute, plutôt intelligente (pas beaucoup de mots mais pas une seule insulte non plus !). Donc, je suis aussi content pour moi car j'ai pu voir un film de post-cinéma qui fait honneur à cette putréfaction vivace d'un art jadis plutôt noble (enfin, il y a lontemps, hein). Miller aurait pu tomber dans une exploitation de la nostalgie que d'anciens lecteurs du magazine Métal Hurlant auraient pu avoir à l'évocation du héros jadis interprèté par Mel Gibson pour trois films encensés par de jeunes gens nerveux fans de SF. Il n'en est est rien. Il a foncé dans le tas, éclaici le passage à la machette et livré une oeuvre flamboyante et mortifère raccro avec son époque.
J'ai aussi regardé "Les Beaux Gosses". Comme je n'avais toujours pas ri une seule fois au bout de trois quarts d'heure, j'ai arrêté le lecteur DVD. C'est quoi le plan, au juste ? L'arabe du futur aurait-il oublié d'être drôle ? Même Riad Sattouf ? C'est possible. Le futur, on y est. Je vais demander à des spectateurs plus jeunes et plus experts en humour actuel ce qu'il en est...En attendant "What a day, what a lovely day!" Eh, eh, "Lovely", c'est chic comme mot !

samedi 27 février 2016

Pas complètement fini. Sixième round.

Le Rock a tout à voir avec la jeunesse, l'immaturité, la frustration et la frénésie sexuelles. Un bon Rock, c'est un rush massif de serotonine à la tête, une jouissance, un orgasme avec cri, à peine articulé. C'est une libération primaire, violente, d'un amour ou d'une colère latente, inexprimée, inconsciente. C'est une musique pour les hormones, pas pour l'intellect. Bien sûr, après ce cri, qui relache un peu la pression, il y a bien sûr des arrangements qui arrivent, des préparations, des ziguouiguouis, des trucs par-ci, d'autres par-là, bref des jérémiades et c'est les Beatles et les Beach Boys, Dylan et X T C, autant dire Mozart. MAIS à la base, il y a peu de place pour le travail de la pensée dans le Rock, c'est tout dans le bas du corps, les guiboles, le déhanché, le coup de rein, le cul; tout cela semblant directement relié à l'ouie et au nerf optique et c'est tout. Le Rock c'est un truc de crocodile en rut. Deux preuves :
The Trashmen : "Surfin' bird"

The Crystals : Da Doo Ron Ron

lundi 22 février 2016

Lartigue : Elégance années 30 et plus

L'élégance, c'est le sujet du photographe Jacques-Henri Lartigue. C'est évanescent l'élégance, indéfinissable mais pas insaisissable. Pour ce faire il a fallu que Lartigue mette en scène ce qu'il y avait autour de lui d'élégance pour le capter en un instant bref où ce qui se sent, se voit, se dévoile à tous. Il lui a fallu de la patience et de la délicatesse; une moue, un pli d'étoffe, une mèche de cheveux sont choses si faciles à détruire d'un regard un peu inquisiteur. Alors, disons que Lartigue a accompagné certains mouvements, certains instants qu'il savait être précieux, comme des gemmes, depuis l'enfance. Cela veut dire qu'il lui fallait du courage pour avancer et ne pas sombrer dans la contemplation des bijoux qu'il possédait, car il les possédait. Cela veut dire qu'il était au moins autant en vie que ses modèles et plus encore, en tout cas aussi élégant mais comme peut l'être un photographe. C'est pour cela qu'il n'hésite pas à se montrer dans ses photos. Il ne crée pas, ce n'est pas un démiurge, il re-crée, il s'amuse et son plaisir est une chose sérieuse. Ces clichés sont de vrais photos, c'est à dire qu'elle montrent quelque chose qui s'abime au moment de la prise. On pourrait dire que cette élégance c'est du "chic" et ça serait déjà pas mal; je préfère dire que c'est, sur un mode mineur, parfois, de la grâce.

Top Ten ? Cinquième round.

Pour ce cinquième round de mon Top 8 marrant/ pas marrant, en tout cas idiot/idiot-savant, je vais mettre la même chanson par ses créateurs, les Temptations, et sa reprise par les Rolling Stones.
A la Motown, la boite de production des Temptations, on se demande parfois qui fait quoi. Eddie Kendricks chante là-dessus, ça c'est sûr mais qui joue ? Qui, exactement, fait les choeurs ? Quel est le nom du batteur qui frappe de manière si douce le bord de sa caisse claire ? Quel est l'ingénieur du son qui lui a donné cette patine de promenade d'automne (?) ? Qui a pondu les phénoménaux arrangements ? On ne sait pas. C'était l'usine à la Tamla Motown; un système directement inspiré des chaines de production de voitures de la ville qui était la capitale américaine de la bagnole : Detroit ou Motor city, et où s'épanouissait l'entreprise de Berry Gordy, la Tamla Motown donc, qui avait commencé par chanter lui-même "Money", avant de filer des salaires dérisoires aux artistes engagés chez lui et qui faisait Hit sur Hit pour son plus grand avantage sonnant et trébuchant. Mais ça c'est de l'Histoire économique et sociale, c'est nibe. Parce que les petits gars et les petites filles qu'il exploitait honteusement avant qu'ils ne prennent conscience de leur statut de superstar et demandent du pognon à l'avenant, pondirent à la chaîne des miracles sonores sous forme de chansons à faire frissonner un chauffeur de bulldozer atrabilaire et ça, ça compte vraiment. Dans le cas qui nous intéresse les paroles sont tout sauf connes, on peut même dire qu'elles sont chiadées "Just my imagination, running away with me..." Pour dire vrai, un peu brusquement, cette chanson parle de moi, parmi d'autres, des sensitifs, des mélancoliques, des mous du genou qui rêvent éveillés et rêvent encore, préférant le rêve à la trop impure réalité. Moi, cette chanson, c'est ma vie et elle ne vaut rien (ma vie). Si j'avais un conseil à donner à n'importe quel auditeur emballé ou pas par cette belle ritournelle, ça serait le suivant : cessez de rêver, agissez; faites preuve de volonté, soyez décisif pour vous et parfois les autres, ne vous laissez pas embarquer dans des rêveries aussi grandioses que stériles et faites quelque chose, quoique ce soit, pour vous, parce que c'est la règle et que cette règle est bonne.
Pour moi, il est trop tard, je suis déjà un Zombie. Je l'ai toujours été. Foutez-moi la paix et laissez-moi perdre conscience et errez comme un mort-vivant dans la musique des Temptations. "Music is your only friend..." disait Jim Morrison qui en connaissait un bout sur cette folie. Cette jolie chanson m'a lessivé dans la joie, c'est l'Enfer sur ouate tout confort. Pourquoi croyez-vous que ces bâtards d'enfants gâtés sans passé ni avenir de Rolling Stones l'aient reprise ? Allez, entre deux amourettes ratées ou réussies ayez un peu de sympathie pour les pauvres diables comme moi, même pas méchants, juste cons, même pas cons, simplement foireux à la base. Punk.
Shit happens, c'est tout.


lundi 15 février 2016

Beyoncé : Formation : Black+400

Il semblerait que le dernier single de Beyoncé fasse grand bruit aux Etats-Unis. Celle qui, d'habitude, est si consensuelle et prompte à dégainer la Bannière Etoilée, y revendiquerait haut et fort son appartenance à la communauté afro-américaine, assumant ses références, ses différences et son histoire. Il est vrai qu'être noir aux States, c'est un truc à part, d'une violence inouie, un truc à risquer sa peau noire tous les jours. Encore à notre époque, les Noirs sont des citoyens de seconde zone, des dangers à maitriser, des humains presque animaux à même de fournir de bons sportifs et de bons musiciens mais qui doivent surtout se contenter de ces biais-là, le sport et la musique, s'ils veulent atteindre "Le Rêve américain", celui de la richesse et du bonheur. Il fut un temps ou le régime de vie commun des Noirs et des Blancs était la ségrégation, autrement dit l'apartheid, avec esclaves sous-humains d'un coté et hommes libres de l'autre. Pour changer cela, il y eut une guerre, des combats justes, d'autres plus douteux, des luttes meurtrières et finalement l'échec. Le président des U.S.A est peut-être noir, sa communauté d'origine est toujours aussi maltraitée par les blancs, dont la police peut apparemment faire des cartons en toute impunité sur les jeunes. Les blancs ont la volonté farouche de maintenir les noirs hors-circuit, quitte à refiler une partie de leur pouvoir aux autre minorités, les hispaniques, les asiatiques. La peur les tient au ventre, ils tremblent pour leurs femmes et leurs filles devant ses bêtes de sexe et leurs musiques du Diable. Ils ne peuvent les voir que comme ça et les noirs, à leur tour, se revendiquent comme tels, par bêtise ou provocation et sombrent dans une sous-culture assez désespérée, majoritairement plébiscitée à son tour par un public de jeunes blancs avides de sensations fortes. Bref c'est un affrontement et un engrenage sans fin sur une question qui n'est jamais clairement posée : celle du patriarcat blanc, ce qui veut dire que les blancs n'acceptent pas que les noirs bandent et aient leur part des femmes, y compris les blanches. Ca, c'est "l'impensé", enfin, au moins le non-dit, sur lequel vit la société américaine depuis le début de la traite des noirs et jusqu'à nos jours. Alors, oui, évidemment quand Beyoncé se revendique fille d'esclave, superstar black friquée et fière de l'être, ça passe mal. Je mets la chanson, en hommage à ce pays de fous furieux qui nous travaille tous les jours au corps : les Etat-Unis.

1927. Premier film parlant. "Le chanteur de Jazz". Le rôle du chanteur en question est tenu par l'excellent Al Jolson, un blanc qui se déguise en noir pour chanter. N'allez pas croire que cétait là un subterfuge Hollywoodien pour faire "passer" la sauce piquante du Jazz. Aux Etats-Unis, à l'époque et depuis longtemps, de nombreux artistes de cabaret et revue blancs sillonaient les routes et se déguisaient en noirs ("Blackface") pour faire leur show. On les appelait les Minstrels. C'était un moyen d'approcher la culture noire, si attirante et effrayante sans trop se mouiller, en se moquant pas mal, en enviant beaucoup. De leur coté, les artistes noirs avaient leurs propres shows de "vrais" noirs sensés montrer une certaine "authenticité" des noirs, par exemple quand ils suppliaient leurs maîtres blancs de rester leurs maîtres et eux des esclaves heureux !!!!! Ce n'est pas simple les races, la culture, les différences, le bonheur.

Je mets maintenant une chanson "simple" qui contient une revendication qui est une évidence mais qui ne passe toujours pas. "This is my country" par The Impressions, le groupe de Curtis Mayfield, chanteur et compositeur toujours à la pointe du combat pour rester humain et toujours talentueux. Un des champions de la Soul noire des années 70.

Quatrième round.

Top 14, quatrième journée.
Le Twist ? Quel rapport avec le Rock n' Roll me demanderez-vous ? Et bien, les vrais Rockers, les durs, les allumés du rythme et du son qui rendent bizarre peuvent prendre n'importe quelle invention marketing créée pour faire acheter du vinyl aux petits jeunes, en l'occurence le Twist, danse proprette sur elle effectuée sous le regard approbateur des parents, et la transformer en bombe à faire péter la sono et déchainer les hormones des mêmes petits jeunes, dont on n'avait pas assez remarqués qu'ils étaient maintenant en âge de se reproduire et, pour se faire, qu'ils ressentaient un grand besoin de fornication qui ne demandait qu'à s'exprimer loin du regard désapprobateur de ces mêmes putain de parents ! Le Rock, on l'a dans le sang ou pas, qu'on appelle ça Rythm and Blues, Boogaloo, Mambo, Soul, Madison, Funk et même, Twist. Ca fait frémir les poils du dos et dresser les cheveux sur la tête, bander les mecs et mouiller les gonzesses. C'est un truc pas très futé, archaïque, un appel à la danse et à la baise mais pour faire ce truc idiot convenablement, il faut des génies. En voici cinq. D'un coté, l'immense chanteur noir politiquement douteux (pour les blancs) et sex-symbol, Sam Cooke, et de l'autre, quatre gaziers blancs frustrés à mort et ne le supportant plus du tout, les Beatles. Sam Cooke est mort buté on ne sait par qui et pourquoi avant de tout faire sauter, comme par hasard. Les Beatles le feront et changeront le cours de l'Histoire à jamais. "Comment?  quoi ? disent les petits sociologistes et les petits philosophistes,"Changer le cours de l'Histoire ?" c'est n'importe quoi !" C'est vous qui êtes de navrants impuissants les gars, je persiste et je signe, et accessoirement, je bande. "Bander, tout est là !", disait Gustave Flaubert. Un vrai Rocker, lui. Punk devant l'Eternel, Eternel transformé en perroquet (lire "Un coeur simple").

Le Fils de l'Ombre.

Il était mort. Symboliquement. En effet, la crise d'inspiration qu'il traversait ne semblait jamais devoir se terminer. Même Gilles Verlant, un de ses plus grands fans, l'avait dit, avant de mourir pour de bon lui, Polnareff était à sec, cuit, finito. Et puis, il y eut ce single de Noël que rien ne laissait présager, avec force arrangements de cordes et vents grandiloquents et voix puissante qui chantonne facile dans les aiguës. C'était "L'Homme en rouge" et Polnareff nous replongeait habilement dans sa mythologie enfantine, et renouait avec elle. A coté de Mathieu qui n'a qu'un cheveu et de la Poupée qui fait non, se tient maintenant ce traitre de Pére Noël qui ne passe pas pour tout le monde. Et ça marche, c'est gamin certes mais on peut comprendre cette colère de minot terriblement seul qui semble encore habiter Polna. Ces blessures-là sont toujours vives et l'argent et la gloire n'y changent rien si l'on est un fils de l'Ombre, on reste un fils de l'Ombre et cette filiation horrible nourrit jusqu'à la mort, effective, les âmes rebelles qui en naîssent. Autrement dit, il peut y avoir d'autres bonnes surprises à venir de la part de notre ami maltraité et puni Polnareff. Car il est toujours en vie. Et il chante encore, seul et contre tous, comme tous les bluesman.

vendredi 12 février 2016

Troisième round.

Pour ce troisième envoi de mon Top 13 + ou -, je vais laisser tomber les fous furieux et convoquer les raffinés, les sensibles, les émotifs. Attention ! Faiblards s'abstenir ! Dans le monde impitoyable du Rock, on pleure peut-être mais jusqu'au single suivant, pas plus. Alors... : "Coco, vas pas t'emberlificoter les pieds dans le mélo maudit, moi, faut que je paye ma Rolls et mes impôts ! - Oui, Boss. - Ah, brave garçon !."
C'est le petit jeu du Rock, n' Roll, chacun veut sa part du gâteau et, si possible, une plus grosse que celle du voisin qui croque néanmoins dans le même cake, et bien souvent ce ne sont pas les créateurs qui bénéficient des fruits sonnants et trébuchants de leur talent. Prenons Smokey Robinson, par exemple. Il était interprète et compositeur mais ce n'est pas lui qui décrochait la timbale quand il faisait un hit comme "Tears of a clown", non, c'était son boss à la Tamla Motown (sa maison de disque), Berry Gordy. Les larmes sont amères, Smokey avait toutes sortes de raisons de le savoir, y compris pécuniaires. Ce qui me laisse pantois là-dedans, en dehors du morceau lui même qui est d'une musicalité extrème c'est la référence à la culture classique et, en particulier à Verdi. Je cite : "Juste like Pagliasse did, I kept my sadness hid...". Je me demande quel était le pourcentage d'auditeurs capable de comprendre cette phrase à l'époque. Et maintenant ?
Bon, oubliez ce que je viens de dire pour les Beatles. Oh, ils se sont faits entuber comme tout le monde ! Mais ils sont devenus tellement énormes et rapportaient tellement de pognon que lorsqu'ils ont dit "On veut jusqu'au dernier pence de ce que vous nous devez légalement, sinon... !", personne n'a mouffeté chez EMI et ils ont aligné la monnaie. Ca été le début des emmerdes pour les maisons de disques et, à un moment donné, même Berry Gordy a du refiler du flouze honnête à Smokey. Il vaut mieux avoir un boulet au pied que plus de jambes du tout... Après ça, les artistes ont commencé à fonder leurs boites de disques. Ca aurait pu être la fin des haricots pour EMI, Tamla, Polydor et compagnie, l'émancipation, la liberté totale de création pour les artistes mais c'est tellement compliqué à gérer, une boite, que nos braves rockers sont retournés d'eux-mêmes dans le giron des grands argentiers du show-business. Free and easy !
Des Beatles, j'en met une (presque) au hasard. Tout est génial.
Smokey Robinson and the Miracles : "Tears of a clown" (ah, les voix de velours des mastards en costard...)

Une version a cappella de "And your bird can sing". On ne trouve presque rien des versions originales des morceaux des Beatles à partager sur Youtube. Les gardes-chiourmes de la poule aux oeufs d'or veillent. Alors, débrouillez-vous, allez-voir par vous-mêmes.

jeudi 11 février 2016

Pleurer Bowie. Pleurer sans Bowie.

Il faisait bon savoir que David Bowie travaillait quelque part dans le monde sur un projet musical qui allait se révéler au minimum intéressant, voire brillant, mais jamais anodin. Maintenant qu'il n'est plus là le monde est plus inconfortable, plus pesant. Bowie n'était pas léger, non, ce n'était pas une plume, mais quand on l'écoutait on se sentait plus libre, on soufflait, on respirait. Son travail libérait de la place pour autre chose que Coca ou Peugeot dans la tête. Pour de la Vie ("V" majuscule). Bowie était en perpétuelle évolution, en perpétuel changement mais toujours il restait intelligent, alerte, à l'écoute, vif, perclus d'angoisses, apte à en faire une matière de travail, jamais véritablement en repos, affrontant le chaos, y donnant de la voix, sa voix si particulière. Sa sensibilité était si singulière. D'où venait-elle ? Souvent il faisait référence à son enfance, à son frère schizophrène, à son besoin d'incarner quelqu'un d'autre, à ses maîtres et futurs amis en bizarrerie. Il me semble que sa musique, sa création était le point d'équilibre entre ses rudes peurs de n'être rien (ou tout) et sa soif de vivre à plein tube en tant qu'homme complet. Il était un grand et véritable artiste, et toujours, il a été de bonne compagnie, de bon conseil, il nous a fait du bien, ce qui est la marque des plus grands. Il était comme nous sauf, qu'il était un peu plus affuté, un peu plus aiguë, pointu comme une lame, tranchant comme un sabre et ce qu'il nous donnait à voir et à entendre, jouant du couteau et bataillant avec lui-même, éclairaient notre nuit, parfois d'un soleil sombre, le plus grave, le plus durable.
L'effet que sa disparition me fait, en réalité, c'est celui d'avoir perdu un ami très cher qui était infiniment plus doué que moi pour dire "des choses" communes à tous et qui était en sus aussi généreux dans sa vie et sa vision qu'un artiste doive l'être, c'est à dire faisant ce qu'il sentait devoir faire, ne devant rien à personne et étant payé très cher pour ça. Ah merde, il me manque ! J'ai toujours vécu dans un monde AVEC Bowie, il n'est plus là, et moi, où suis-je ? ("Where are we now ? where are we now ?..."
Deux chansons presque au hasard, qui me touchent. "Afraid" et "I've been waiting for you", issues du même album "Heathen".
"Afraid" Ecoutez les paroles.

"I've been waiting for you" signée Neil Young. Même ses reprises sont dorées sur tranche. Pas de hasard.