mardi 30 juin 2015

Les Beach Boys et moi : Good Vibrations ?

Est-ce que je peux encore écouter "Good vibrations" des Beach Boys ? Rien n'est moins sûr. Quand je l'entends, je réagis sec et je saute mettre un autre morceau; quand je le sens qui arrive, je passe à la chanson suivante des Garçons de la plage. Ce n'est pas que je ne l'aime plus, non, en fait cette chanson a été tellement formatrice pour moi, que je ne l'entends plus, que je suis incapable de prendre du plaisir à l'écouter.
Je l'ai découverte quand j'étais pré-ado sur une cassette audio de mon père. Comme tout dans ma vie, ce fut sans introduction, sans explication et je me la suis prise pleine face sans pouvoir dire "ouf". Je me demande s'il est possible de dire avec des mots le bouleversement intérieur auquel elle donna lieu. Ma sensibilité fut heurtée, chamboulée, meurtrie, guérie, exaltée, exhaussée en trois minutes et quelques. J'ai joui de toutes ces parties différentes, dissemblables et cependant parfaitement enchainées. J'ai eu peur aussi de ce grand charivari qui me menait Dieu sait où ? Vers la Mort, peut-être, un fin atroce, infini de souffrance ? Heureusement tout se terminait par le rythme allègre de la ligne de violoncelle et quelques notes de thérémin céleste. Ce morceau spatial finit terrien et ça me rassurait.
Mais cette chanson a fait plus encore que de m'impressionner, elle m'a structuré en profondeur. Chaque son a sculpté en moi un pan de ma sensibilité musicale et est passé pour cela par les plus infimes fibres de mon corps, de mon corps tout entier. J'ai été travaillé, secoué, réparé, couché, redressé. Il n'y a qu'avec les Beatles et les Stones, à peu près à la même époque, que j'ai vécu quelque chose de similaire. Si j'aime certains sons, certaines harmonies, je le dois à l'effet PHYSIQUE, en même temps qu'EMOTIONNEL qu'ont déclenché en moi tel son de "Good vibrations" pris en plein corps, ou telle dérive harmonique de l'esprit fou de Brian Wilson vécue bel et bien comme telle. Cette chanson à des sommets, des abysses, j'ai tout encaissé et à la fin le violoncelle (Dieu que j'aime le son du violoncelle depuis !) me ramenait toujours à bon port, mais ces creux et ces bosses sont celles de mon âme maintenant, à tel point qu'il m'est difficile de dire que cette ritournelle m'a juste "structuré", c'est encore trop "extérieur" car ça va un peu plus loin : je suis elle, elle est moi. Tout ce que j'ai entendu après a été entendu par moi et "Good vibrations" des Beach Boys ensemble, c'est à dire un entrelac de force, de recul et d'abandon, un frémissement, une révélation de soi à soi-même. La basse hyper-aiguë, c'est moi, la voix aérienne, le rythme à peine prononcé c'est moi, la façon dont les mecs disent "Ba-Ba" pour "Vi-Vi", c'est moi, le pont flippant c'est toujours moi, l'orgue d'église et la prière c'est encore moi. Et la flûte perdue dans l'espace interstellaire, haussée encore par des choeurs d'anges au rang de musique pour les Dieux, qui croyez-vous que ce soit ? Après ce truc, vous pensez vraiment que je peux écouter sereinement "Good vibrations"?  Je n'ai plus assez de distance. N'importe quelle chanson des Beach Boys, oui, et avec grand plaisir, mais pas celle-là
Alors, les Beach Boys : "Good Vibrations", version canonique. Celle qui m'a formé et s'est incrusté en moi.

Il y a un truc avec les groupes ou les artistes géniaux, ils ne sombrent jamais vraiment dans le le pathétique ou le nullissime. En 1980, je ne savais même pas que les Beach Boys existaient encore, moi j'écoutais de la New-Wawe.... et eux triomphaient en Angleterre, au festival de Knebworth. A cette époque, ils sont encore tous vivants et ils sont ici réunis mais, après toutes les engueulades, les bagarres, les luttes intestines c'est un véritable miracle. Encore plus improbable, le concert est bon. Le métier, sûrement. L'amour du métier, aussi.
The Beach Boys : "Cotton Field", "Heroes and vilains" "Keepin the summer alive".

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