lundi 27 août 2012

Voyelles qu'on sonne à tort et à travers

Arthur Rimbaud a fait beaucoup de tort à la Poésie. Ce qu'il écrivait étant très jeune était plutôt bon, et puis est venu ce qu'il appelait lui-même "le dérèglement raisonné de tous les sens", et là, comme de juste, il est devenu dingue. Comme sa Poésie, qui a tenté d'ériger l'hermétisme et la puissance supposée de l'"Image choc" au rang d'Art. Ses textes n'ont plus rien signifié du tout et ont cependant marqué nombre d'esprits forts qui y ont vu là le comble de la Poétivité (ne riez pas, en Stylistique moderne, ça existe) qui ont mis dès lors un point d'honneur a pratiqué la Poésie à grands coups d'obscurité et de non-sens validé par l'incompréhension suscitée chez le lecteur. Ça a donné les Surréalistes (il a parfois fait bon y passer et en sortir), Le Grand Jeu, René Char et tant d'autres. Bousculer la Rhétorique n'est pas un mal si on trouve son propre rythme, mais la Poésie reste un Chant, et un Chant pour tous, même s'il demande quelques préparations et un peu de pratique d'écoute. Voici un sonnet très connu de Rimbaud " Voyelles". Je vais mettre en gras tout ce qui n'a aucun sens, ni pour nous ni pour Rimbaud lui-même. Ca détonnait, ça faisait du boucan, c'est tout. Lire à ce sujet "Les Fleurs de Tarbes ou la Terreur dans les Lettres" de Jean Paulhan. Il ne fait aucun doute que Rimbaud était un "terroriste", le premier à ce point, paroxystique déjà, et qui sonna la fin de l'intérêt d'un public vaste pour la Poésie et sa captation par les Avant-gardes et leurs élites suivistes et fanatiques.
 Voyelles
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges ;
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
C'est sur, ça fait du bruit. C'est chic et choc. Mais ça chante peu et mal et au final c'est n'importe quoi. Ce n'importe quoi qui tient lieu de Poésie dans l'esprit de beaucoup de gens, avertis ou pas..

Aucun commentaire: