dimanche 3 février 2019

"Jonas, rentre te coucher" - La Baleine.

J'aime bien Jacques Lourcelles. Son "Dictionnaire du cinéma" fourmille d'infos de première bourre et d'analyses fines sur le cinéma. Mais je ne suis pas d'accord avec lui quand il dit, à propos de "Naissance d'une nation", qu'il est heureux que le cinéma, pour sa plus grande part, n'aie pas suivi la voie esquissée par Griffith mais celle, plus policée, d'une narration plus classique mimant peu ou proue les rouages de la littérature dite "réaliste"du 19 ieme Siècle. Je ne suis pas d'accord du tout. Certes, c'est plus facile et ça parle au plus grand-nombre car le plus grand nombre est éduqué et laissé dans la facilité. Mais quelle perte de créativité, d'inventivité et, au final, de liberté. Des preuves ?
Voyons ce petit film de Jonas Mekas, qui vient de disparaître tout récemment et auquel je veux rendre hommage à ma mesure, c'est à dire chichement. et qui est souvent appelé cinéaste "expérimental". Lui-même demandait, à ceux qui voyaient ces films, d'oublier le mot "expérimental" et de se contenter de les regarder, simplement. Et dans ce film, ne voit-on pas clairement des choses, importantes, fondamentales, qui composent et ordonnent la vie d'un homme mieux qu'en un récit - en particulier les femmes et les enfants ? Ne voit-on pas un enfant courir, comme tous les enfants, après un papillon, comme il ne cessera de courir après sa liberté toute sa vie d'adulte ? Ne voit-on pas des nourritures terrestres et spirituelles abonder, de celles qui sont le plus nécessaires à chacun et à chacune ? Mekas était libre et plein d'esprit, il a entrevu la beauté, je l'entrevois avec lui. Il n'y a pas de "happy ending, pas d'impératifs commerciaux ou idéologiques, juste la Vie, sous un angle particulier, précis (tellement précis qu'il est laissé au hasard, sachant qu' il n'y a pas de hasard.)
Ce petit film qui part dans plusieurs directions à la fois n'est-il pas plus riche en oxygène, en couleurs, en nuances, bref, en tout, que les ornières où les gros sabots obsessionnels d'un Hitchcock ou d'un Eisenstein nous emmènent en esclaves ? Si bien sûr. Après on peut toujours faire des pâtés Monsieur Lourcelles (genre Dictionnaire), il me semble à moi qu'il est plus sain, beau et tout bêtement normal (ça évite les opéras de Wagner par exemple et les "Nibelungen" de Lang...) de regarder un des enfants de la famille Mekas jouer dans le sable.

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