Guido Guidi photographie des drôles de trucs. Presque rien en fait, des machins en bouts, pratiquement nuls. L'objectif délibérément pointé sur l'à-coté, ce qui ne sature pas l'image de sens, ce qui n'en fait pas une forme gorgée de jus, de bon jus à vendre à sa mémère, de "la belle image", comme on dit. Il appuie sur le déclencheur après l'instant décisif, revêche, ou avant. Et ce qu'il montre est ce qui fuit le regard et se trouve tout à coup visible, trace qui s'efface presque, s'apprête à disparaître. Il est sur le point de fuite Guidi, il va tomber dans le néant, il s'arrête au bord et fait une photo. Ca dure des heures, c'est un instant, ça existe. Tout est là, vu, montré pour une fois, une fois unique qui percute l'oeil plus que tous les bombardements de publicité de merde. Le regard propre, Guidi photographie les yeux ouverts. C'est devenu rare. Il y a tellement de balises partout qui disent quoi faire et comment. Là, on se lave les yeux, on s'ébroue et on reprend vie et corps avec lui, comme on le ferait auprès d'un peintre. Sauf que c'est de la photo et que l'urgence de l'instant même est mise à distance, à distance humaine, celle où on commence à voir quelque chose (vous savez ce qu' Hemmings voyait dans "Blow-up" d'Antonioni et qui s'acharnait se cacher au profit du profit). Le nerf optique de la guerre se repose cinq minutes, la compulsion d'achat s'apaise, le temps arrive (par l'Est), il s'installe et on voit ce qui suit, tout bonnement, simplement, vraiment.
Évidemment, en dessous, c'est en italien. Vous ne comprenez pas l'italien ? La belle affaire, moi non plus ! Et pourtant rien ne m'échappe de ce qu'il dit et fait. Ah, je ne suis pas la moitié d'une buse !
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