mardi 12 avril 2016

Cheap Trick : pas chic, pas cher.

Ce qui est certain c'est que Cheap Trick est un groupe américain, ça, ça s'entend tout de suite, dès les premières notes; un drôle de mélange qui ne pouvait venir que de là-bas, de grandiloquence un peu débile, de pop agressive, de guitares lourdes, de chants attractifs. Moi, je ne les ai pas beaucoup écoutés pendant leur plus grande période de gloire, fin des 70's début des 80's. "I want you You want me" enregistré au Budokan, une compil achetée plus tard pour "Dream Police" et c'est tout. C'est plus retord, c'est maintenant que j'écoute Cheap Trick et tout particulièrement le premier album, éponyme. C'est étrange, il n'y a rien là-dedans que des brailleries de types qui viennent de sortir de la High School, à peine plus malins que les autres et qui ont choisis de faire du rock pour s'en tirer - à tout prix- et pourtant c'est plutôt bon et assez fascinant.
L'Amérique n'a pas d'Histoire, elle baigne vivante dans une mythologie qui travaille la société tout entière : la lutte pour la vie, les winners, l'argent qui fait tout, Dieu qui sauve et veille, le "Big" qui est bon, le corps sain qui épanouit. Il y a un lieu où la plupart des américains passent et apprennent à dealer avec ces mythes, et qui fait partie intégrante du mythe américain en général, c'est la High School, l'équivalent français du Lycée. Là, l'avenir des jeunes américains se dessine et chacun tente de répondre sans conscience complète de ce qu'il fait et subi à la question "Que faire de ma vie ?" On ne se remet jamais vraiment de sa High School. Sous une poussée d'hormone continue et à un âge où l'energie est quasiment sans fin, il a fallu faire quelque chose de son corps, de son sexe, de son intelligence, de son apparence, de sa force, de sa faiblesse alors que les contraintes normatives sont très puissantes et qu'il y a tout ce paquet de trucs plus ou moins utiles à apprendre. On est "weird" en High School ou "popular", on devient fou ou décide de se réfugier dans la norme. On baise, on se drogue, on achète sa première arme à feu, on conduit sa première bagnole, qui fait son premier emprunt ? pour plus tard, peut-être, l'université. Et puis il y a le bal de fin d'année, torture pour les uns, apothéose pour les autres. Trois ou quatre années de mythe américain vécues de plein fouet, pour le meilleur et pour le pire, pour devenir un homme ou une femme mais, par pitié, quelque chose.
Le premier album de Cheap Trick s'ouvre sur le morceau "Hello Kiddies" qui dit tout du public visé par le groupe et de leur idéal. Oh, ce n'est pas les Clashs; ils veulent attrapper les mômes de la High School par le colback, qu'ils achètent leur disque et le passe sur leur sono avant d'aller à l'école et le samedi soir à fond dans la maison de celui ou celle dont les parents ont eu la riche idée de s'absenter. Cheap Trick porte bien son nom, c'est un truc simple et pas cher, fait pour vendre du vinyl à des ados par des mecs à peine plus âgés qu'eux et que la High School a transformé en machines à arriver au succès, blindées de cynisme, déjà scotchés dans une imagerie marketing qu'ils ne quitteront plus. Il y a le beau blond, chanteur, le beau brun, bassiste et chanteur aussi, le batteur au look d'inspecteur de police et le guitariste pas très virtuose et très "geek". On y est, Cheap Trick prend son envol et fonce vers les hauteurs du succès planétaire. Et moi, j'écoute médusé la dernière chanson de l'album "The ballad of TV violence (I'm not the only boy)" dont les paroles racontent sans fard le pétage de plomb d'un gars un peu trop solitaire à la High School, comme s'ils avaient vraiment vécus ça, chacun d'eux, dans leur chair. C'est possible, la High School est un mythe ET une réalité, on s'en sort ou pas. En tout cas, comme on peut. Même mort.

Aucun commentaire: