Il y a plusieurs Amériques, celle des grandes villes, celle des espaces vides ; celle de la grandiose Nature propice à la méditation ; celle de l'Histoire, happant tout à elle ; celle sans histoire, avec ou sans "H" majuscule, avec ou sans "s". La pesanteur morne y côtoie la plus grande vitesse ; les populations nouvelles y disputent des bouts de territoires à d’immémoriales légendes ; des ruines stupéfaites y jouxtent des entreprises insensées qui finiront en friches industrielles, elles aussi sans mémoires. C'est une terre d'oubli douloureuse et le présent y est trop oppressant ou trop vite évacué dans un délire de rites consuméristes sans cesse renouvelés. De ce pays qui est nulle part, et qui est aussi le grenier à images d'un Monde qui perd sa substance en elles, sourd parfois un grand désespoir et, plus rarement, une douceur vaste comme une caresse empruntée aux éléments eux-mêmes. C'est pour le meilleur alors que vient de cette contrée insaisissable le Chant humble et universel de ceux qui voyagent sur place ; des ploucs enracinés dans leur terre qui a trop viré à la crotte ou à la poussière. Il roule avec eux, sans bouger, ramené à la surface de la conscience à chaque génération, par de farouches passeurs d'un passé dont on sait juste qu'il a peut-être eu lieu, puisque la mélancolie en est toujours là. Ou sont passés l'or, le lait et le miel de la Terre promise ? Vendus ? Perdus ?
S'il est un infini américain, il se trouve là. Et effectivement, il est pour tout le monde et pour toujours. Comme la gentillesse et la solitude.
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