Ca pourrait s'appeler " Journal d'un homme sensible qui a de mauvaises lectures". Je refermais le livre le coeur battant. Dans ma tête cette phrase tournait : " Raboliot, Raboliot, non, pas lui, pas lui !". J'avais la scène sous les yeux. Offensive majeure de la littérature, son pouvoir magique. Triomphe sur toutes les autres formes d'Art. J'étais défait, ravagé, saoulé. Ils n'avait pas la gueule à rire, ceux qui sont revenus de La Grande Guerre. Tous ont laissé au front une partie d'eux-mêmes, qui l'espoir, qui l'amour, qui la raison et vas-y, démmerde-toi avec ce qui te reste. Alors il y a eu des déraillements, des chocs en retour, des fuites de partout et que j'te fonce la tête encore dans les étoiles droit dans le mur du réel. Un autre réel. Un autre soi. Maurice Genevoix ne s'en est pas trop mal tiré, il a bien senti l'exiguïté, le manque d'air frais que tous appelaient et que des rafales atroces rejetaient nulle part, loin des poumons tournant à vide. Le rance, la veulerie, la puanteur ont commencé leur campagne mondiale d'épuisement dans ces années-là avec une réussite inqualifiable, sauf à la dire purement humaine. Maintenant encore, on étouffe. Plus un brimberiot de souffle qui passe sans avoir été scanné, vampirisé, expulsé du cul de la bouteille. Se préparer à subir l'assaut, chercher la faille, aller au choc, jouer encore une fois, l'humaine, plus purement, "Sainte Fa(r)ce" d'Elie Faure. Le visage divin de l'humanité avait pris pour moi un instant les traits de Raboliot et je pensais, tout triste : " S'il faut y aller, rejouer la scène, le masque éventré d'un sourire, alors j'irai, j'irai; comme lui."
"Raboliot" de Maurice Genevoix, prix Goncourt 1925.
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