lundi 25 janvier 2021

Amour sacré du Rock n' Roll, plus Amour sacré de gamins... Résultat ? Phil Spector !

De jeunes zombies perchés vers l'Ouest et prêts à tuer avancent en petits groupes dans la ville en regardant leurs portables. Où sont-ils ? Ensemble, avec nous ou ailleurs, définitivement lointains ? En tout cas, ils ignorent que Phil Spector est mort alors que c'est lui qui a donné la meilleure forme, la plus vraie à leurs émois adolescents, s'il leur en reste un brin, hissant sans coup férir le premier béguin, la première déception amoureuse, le flirt et la première pelle au rang des tragédies vitales plus tardives. Je me souviens parfaitement de mon premier baiser, de mon premier amour (j'avais 6 ans) et la force et la beauté des chansons de Spector viennent de la dignité indéracinable qu'il a conféré à ce qui n'apparaît plus aux adultes que nous devenons comme la matrice de nos émotions et sentiments à venir, qui sont plus durables peut-être, marqués par la sexualité, mais pas plus riches, pas plus renversants. Personne autour de moi n'a pris garde à mon amour de 6 ans quand il a fallu que ma famille déménage et que je sois séparé de mon aimée et pourtant j'en ai été très affecté. Sans remonter aussi loin dans la vie des individus, Spector a fait un boulot inédit et titanesque en donnant à des chants juvéniles la force et le sens de véritables hymnes, par la grâce d'une technique de production musicale unique, le "Wall of sound". Je ne sais pas exactement comment il s'y prenait pour obtenir ce flux furieux d'orchestrations boostées jusqu'à la boursouflure, mais je me rappelle très bien la première fois où je les ai appréciés sans les comprendre vraiment, happé par la tornade sonore qui m'enlevait de terre. C'était sur le disque qu'il a fait avec Ike et Tina Turner, sur le titre " River deep, Mountain high". J'en suis resté héberlué, la tête en bazar, marabouté de A à Z par la puissance et la beauté de ce truc-là. J'ai découvert plus tard ces tubes des Ronettes et des Crystals et j'ai été ému par ces tracas adolescents qui s'élevaient à la dimension de drames et de tragédies classiques, et que je reconnaissais avoir entièrement et complètement vécus. Comment se conçoivent-ils ces drames "mineurs" à l'heure des portables parasites et des réseaux sociaux procureurs ? Je ne sais pas, ça me fait un peu peur. Il ne faut pourtant laisser personne voler aux humains ces moments si précieux de grâce et d'avanie dont le vieux Phil avait tiré tout le suc doux-amer. Amen.

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