A cette heure là, les oiseaux commencent à chanter. C'est chiant, je ne suis plus seul, seul à dessaouler devant l'écran de mon PC, bien neutre, servile à souhait, qui se prête sans broncher à toutes mes folies solitaires. Je vais perdre un peu de mes moyens. J'aime les oiseaux, comme Saint François d'Assise, comme Olivier Messiaen. Mais pas maintenant, pas là. Là, c'est ma nuit, ma douceur, ma tendresse et toutes les violences possibles. C'est un tableau de marche vierge pour mon ciel charbonneux. Une protestation muette, enfouie dans le noir, révélée par l'ampoule (que personne ne voit). C'est là que je suis. Que je fais des signes incompréhensibles, de loin, bien content de mon tour de vache. Eh, eh, je ne vous parle pas, même si je désespère d'être aussi une cause. J'ai l'imagination fertile pour ça et tout ce qui vous arrivera sera pourtant sans raison, sauf le salut de la mienne, déjà chavirée. S.O.S. S.O.S. Ne venez pas troubler ma quiétude inquiète, si vous me tendez la main, je me couperais le bras. Dans cette nuit que je possède comme on possède une femme, rien ne peut m'atteindre, rien ne changera jamais. Il faut que je veille au grain, chaque nuit que Dieu fait, que je fais, c'est ma seule et invisible hardiesse, c'est ma grande faiblesse, ma torpeur qui vient et dont j'attends qu'elle me cueille au matin, quand les yeux des autres s'ouvrent sur des miracles qui me tueraient au premier effet. Ah, Je me démène, je fais tout mon possible et j'y arrive ! Je suis rattaché au reste du monde comme une presqu'île à la terre. Une lande vierge, juste quelques genêts, le regard en dedans, à l'abri des rades et la côte sauvage plus dangereuse que tous les pilleurs d'épaves. Je m'attache encore, à l'ordinateur, blême si obéissant, idiot. Je suis odieusement conforté dans ma lutte. J'ai fais taire les oiseaux, par un tour mystérieux. Un jour, je dis bien, un jour, ils triompheront de moi, d'une pichenette sonore. D'ici-là, la nuit, je me moque d'eux, de vous, de toi et j'attends qu'il soit trop tard pour chanter. Chanter mon bonheur.
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