samedi 6 février 2010

L'HOMME QUI AVAIT HONTE

J'ai vu Roland Barthes hier. Il m'a laissé une impression assez pénible. Toute cette honte en lui ; honte d'être amoureux, honte d'écrire ou de ne pas écrire, honte de ses origines sociales, honte d'être homo, honte d'être un intellectuel. Le pauvre, pas étonnant qu'il se soit réfugier dans le neutre sur la fin (genre qui n'existe pas en Français ). Ah, il aurait tant aimé être un de ces blonds conquérants nazis qui mirent Paris à lécher leur bottes pendant l'occupation. Non ,il aurait eu honte, encore et toujours. Pénible, très pénible. Fait pitié.

3 commentaires:

lulyloy a dit…

Désolée, je ne connais Barthes que par quelques textes mais le sentiment de honte est plutôt salvateur et je le préfère aux grandes gueules.
J'ai trouvé cela sur lui et je m'y reconnait : "Barthes entrevoit chez certains écrivains de son temps l'utopie d'une réconciliation entre la littérature et le monde, au-delà d'une société qui demeure irréconciliée" C'est aussi l'utopie qui me fait écrire, c'est une façon de se réconcilier avec un monde que l'on aimerait voir autrement.
bizzz

lulyloy a dit…

Barthes entrevoit chez certains écrivains de son temps l'utopie d'une réconciliation entre la littérature et le monde, au-delà d'une société qui demeure irréconciliée. S'il n'existe pas l'utopie, peut-on créer?Pour moi, c'est un moteur important pour un écrivain. Ecrire avec un regard nouveau devant cette société que l'on aimerait différente. Barthes est beaucoup plus qu'un homme qui avait honte à mon avis. Tu ne peux le réduire à cela.

Gael Coupé a dit…

Tels que tu les décrits, les rapports que Barthes envisage entre la Société, le Monde et la Littérature me paraissent erronés. Je n'imagine pas La littérature rejoignant le Monde au "delà" de la Société. Le Monde n'est pas pur, pas plus que les Lettres, pas plus que la Société humaine. Assigner à la littérature une fonction de catharsis qui viendrait épurer le Monde des turpitudes de la société des hommes me semble tout bonnement inconscient et inutile. De tous temps, ceux qui firent métier d'écrire ont jouer le rôle médian de faire sens, de créer des liens, non seulement entre le Monde et les Hommes mais entre les Hommes eux-mêmes. Les écrivains donnent le sens, par l'intermédiaire de ce que certains appellent "le récit", de ce que j'appelle moi " le sens par les sens". Si l'écrivain "déplace", "déporte", "suspend", par la grâce de sa prosodie et de son récit (l'un n'existe pas sans l'autre), il créé bien une sorte d'Utopie. Celle d'un dégagement momentané. Mais l'on ressort, lecteurs, bouleversés de n'importe qu'elle oeuvre importante et alors la nécessité de changer notre vie peut nous sembler aussi impérative qu'après un bouleversement intervenu dans cette vie même. La littérature a tissé la toile d'où nous nous élancerons pour nous engager et où nous reviendrons nous ressourcer, non pas comme auprès de la mère Nature mais comme au sein d'une matrice, d'un corpus, toujours vivant, toujours disponible et renouvelé nous invitant à penser le Monde et la Société et à penser l'action qui sera la nôtre. La société sera toujours "irréconciliée" mais cela n'implique nullement que nous devons renoncer à nous battre pour affirmer nos valeurs. Je ne crois pas en la littérature engagée. Bien au contraire, comme je l'ai dit, elle "dégage", fait naître un ailleurs qui n'est ni le monde ni la société et qui pourtant à rapport aux deux. Il faut donc lire et se déprendre et apprendre, comme il faut vivre pour apprendre aussi, autrement, et se déprendre, et s'éprendre de la vie encore et de la littérature encore. De cette dynamique naît la création artistique que nous entreprenons, neufs et rassasiés de passé, pressés d'en faire notre vie par une urgence qui n'apparaît qu'à certains, non pas élus, mais volontaires. Mou, velléitaire, Barthes n'a jamais rien créé de sa vie, il a écrit ses livres sur des sujets qui ne l'intéressaient pas ou peu; lui-même entre autres. Il semblait presser d'arrêter la course du Monde, de la Société et de la Littérature. Il parlait de choses qui n'existent pas, non pas pour les faire apparaitre comme tout bon écrivain mais pour les laisser dans l'ombre projetée de leurs corps absents. Entreprise insensée ! Je dis que non seulement Barthes avait honte de ce qu'il était mais que par dessus tout il avait honte d'être ce fou qui se rendait impuissant à écrire par mépris de lui-même bien plus que de la Société. Créer c'est vivre, vivre c'est créer. Il n'a fait ni l'un ni l'autre et son Utopie est restée stérile de n'avoir pas noué les liens qui autorisent toute création et toute vie. Quant à réduire Barthes, chère Lulyloy, je me propose de le faire à l'aide d'un bon bouquin de cuisine.